Father Yves-Marie Lequin – the Story of the Philosopher Priest Turned Crime Novelist

Father Yves-Marie Lequin – the Story of the Philosopher Priest Turned Crime Novelist

Mardi, Décembre 2, 2025

Père Yves-Marie Lequin – L'histoire du prêtre philosophe devenu auteur de romans policiers. Texte Français/anglais. Natja Igney pour Riviera Buzz -- 29 novembre, 2025

Original text in English : https://riviera-buzz.com/features/local-buzz/father-yves-marie-lequin-novelist.html

Le Père Yves-Marie Lequin - L'histoire du prêtre philosophe devenu romancier policier

Le Père Yves-Marie Lequin est une figure bien connue à Nice et dans ses environs. Maintenant, cet homme d'église aux multiples talents a ajouté une nouvelle corde à son arc.

Si votre idée d'un frère dominicain écrivant un livre implique de douces méditations sur la foi ou des commentaires pieux sur les Écritures, vous n'avez pas encore rencontré le Père Yves-Marie. Bien que l'aumônier des artistes basé à Nice ait un parcours impressionnant dans l'écriture d'essais philosophiques et de poésie spirituelle, son premier roman policier récemment publié, Du sang à Moulinet, est un thriller qui s'ouvre sur une mare massive de sang humain recouvrant le sol d'une chapelle de montagne, et des inscriptions cryptiques sur les murs écrites dans ce même sang. Et l'horreur ne s'allège pas à partir de là.

Le bon prêtre a-t-il été possédé par des forces maléfiques ? Spoiler : loin de là.

Qui est le Père Yves-Marie Lequin ?

Les Français ont un dicton : « l'habit ne fait pas le moine », veut dire qu’il ne faut pas juger sur des apparences. Cela prend une tournure très différente quand il s'agit de cet homme aux talents et vocations multiples. En tant que prêtre ordonné, la chasuble est bien sûr sa tenue professionnelle. Sa foi est aussi profonde que ses convictions. Mais il n'a jamais correspondu au moule classique du prêtre. Il est artiste, peintre, écrivain, philosophe. Il est né en France mais a passé son enfance et sa jeunesse au Togo et en Côte d'Ivoire avant d'étudier à Londres, Leicester, Louvain, Toulouse et Paris. Cela seul fait de lui quelqu'un avec une vision du monde unique.

Depuis 2011, il sert comme Aumônier des Artistes du Diocèse de Nice, organisant la Messe annuelle des Artistes le mercredi des Cendres à Saint-Pierre d'Arène. Cet homme d'Église est aussi à l'aise dans les galeries que dans les sacristies, aussi à l'aise sur les réseaux sociaux qu'à la chaire, et il voit tout cela comme une partie normale et essentielle de son ministère. Et il est Dominicain – l'Ordre des enseignants urbains, savants et contemplatifs qui encouragent la pensée indépendante. Il n'est donc pas surprenant qu'il s'aventure dans un territoire qui, à première vue, ne relève peut-être pas du parapluie catholique. Mais comme vous le verrez, tout finit par avoir un sens.

Basé au couvent dominicain du Vieux Nice où il maintient son propre atelier, il a produit des milliers de peintures, principalement des encres et des gouaches sur papier. Abstraites, vives, intentionnellement imparfaites. Sa philosophie artistique est centrée sur l'idée que le sens émerge de la fissure, pas du poli. « La peinture est une façon d'écrire », dit-il, « la façon pour un artiste de s'exprimer quand il ne peut pas le faire avec des mots. » Mais les mots ont toujours été son autre médium. Sa liste de publications ressemble à trois carrières distinctes : traductions de textes bibliques (Genèse, Cantique des Cantiques, l'Évangile de Marc), traités philosophiques sur Aristote et Augustin, et collaborations avec des artistes contemporains. Alors quand quelqu'un avec cette gamme se tourne vers la fiction policière, attendez-vous à quelque chose en dehors des conventions du genre.

De la Révélation au meurtre rituel

Du sang à Moulinet est un thriller noir français qui suit un détective privé brillant engagé par l'évêque de Nice pour enquêter sur un crime troublant à la chapelle de Notre-Dame de la Menour à Moulinet.

Le livre s'ouvre en menant rapidement à une histoire dans l'histoire, qui finira par s'entrelacer. Cette seconde histoire est racontée par son narrateur anonyme et commence avec un avertissement sinistre : « Avant de commencer mon témoignage et de plonger dans le récit des événements, je dois vous avertir. Ce que vous allez lire est vrai. Pas "inspiré de faits réels", non. Vrai. Entièrement. Vérifiable — du moins en surface. »

Que s'est-il passé ?

Une quantité massive de sang humain a été découverte à l'intérieur de l'église, avec des inscriptions cryptiques sur les murs, mais aucun corps n'a été trouvé. Une lettre anonyme arrive au bureau de l'évêque, signée avec des lettres grecques : ΧΙϚ. Elles totalisent 616, une ancienne variante textuelle de 666, la marque de la Bête de l'Apocalypse. La lettre décrit un sacrifice rituel et en promet d'autres : « Je suis revenu. Car les saints sont morts. Les anges se sont tus. Il ne reste que nous, les observateurs de la fin. »

Entre en scène Jugger Naut (surnommé « Bridou »), un détective non conventionnel et ancien séminariste qui utilise à la fois la criminologie de pointe et ce qu'il appelle des méthodes intuitives « archaïques ». Appelé par son vieil ami de séminaire, Monseigneur Hervé de Clercourt, Jugger commence à découvrir une conspiration qui remonte à des siècles à une société secrète appelée les « Maestri Perfetti » (Maîtres Parfaits), un groupe piémontais qui a dévié vers le satanisme apocalyptique.

L'enquête révèle que le sang appartient à Chiara Ferrero, une randonneuse disparue qui semble avoir été sacrifiée dans un rituel destiné à inaugurer une nouvelle ère – une véritable apocalypse, pas métaphorique. Au fur et à mesure que les corps s'accumulent, les traces mènent dans les bas-fonds cachés de Nice : les enquêtes ultérieures impliqueront tout le monde, de l'évêque aux figures du milieu marseillais. Cela touche les loges maçonniques, les établissements libertins, le crime organisé lié à la 'Ndrangheta calabraise, et les réseaux de structures de pouvoir s'étendant des institutions religieuses à l'administration civile. Et cela met en lumière les réseaux de corruption s'étendant de l'Église à la Préfecture, que Nice s'applique si soigneusement à cacher derrière le trompe-l'œil de sa belle façade.

Nice comme décor de théâtre

Ce sacrifice rituel, heureusement d'origine fictive seulement, se déroule dans une vraie chapelle, à quelques kilomètres de Nice. Notre-Dame de la Menour n'a pas été choisie au hasard. Elle se trouve au-dessus de la rivière Bévéra, où les troupes révolutionnaires ont massacré les Barbets contre-révolutionnaires pendant les années 1790. La violence historique résonnant dans le présent. Et clairement, il y a une trace vers la capitale de la Riviera, louée pour sa beauté. Mais la Nice d'Yves-Marie Lequin n'est pas la ville parfaite pour Instagram que les touristes photographient. Au début du roman, le narrateur anonyme, à travers le dispositif d'encadrement d'un manuscrit mystérieusement remis à un juge d'instruction, livre cette évaluation :

"Nice, ville d'illusions, transformée en parc d'attractions, avec sa façade de pots de fleurs, son immobilier truffé de mafia calabraise, la 'Ndrangheta (un mot qui signifie virilité et courage !). Une ville maudite, kitch, qui n'a que mépris pour ses habitants — ces mêmes gens à qui elle a volé jusqu'à leur carnaval. Derrière les coulisses de ses spectacles, il n'y a que honte et misère. Elle a le quartier le plus pauvre de France. Elle vit sous perfusion touristique. Le vide gagne du terrain chaque jour. Une fuite en avant. La chute est proche. Elle sera brutale."

Nice n'est pas une ville, c'est un décor. Ce qui s'y cache est plus grand que ce qui s'y montre. Et dans ses profondeurs administratives, sous ses façades repeintes à l'italienne, se trouve une autre géographie : celle des arrangements, des silences payés et des alliances douteuses entre crime organisé, hauts fonctionnaires et intérêts religieux. Cette critique sévère, bien que livrée par un personnage du roman, est ce que son auteur perçoit. Et ce n'est pas la diatribe d'un étranger. Yves-Marie Lequin vit à Nice depuis plus de 20 ans, assez longtemps pour l'aimer et voir sous la surface. Il aime l'ouverture d'esprit, la relation forte mais détendue entre l'église et les Niçois, la facilité de forger des connexions, le style de vie méditerranéen décontracté. Par-dessus tout, il aime la communauté artistique. « Il y a tellement d'artistes talentueux ici », a-t-il dit, « et vous trouvez plus de créativité que n'importe où ailleurs en dehors de Paris. »

Mais l'amour n'exclut pas la lucidité. Sa Nice existe en tension – la définition platonicienne de l'amour incarnée : l'enfant du besoin et de l'abondance. Beauté et corruption coexistent. Le sacré et le profane mènent leur guerre éternelle dans des rues qui ressemblent à des brochures de vacances. Le choix de situer un roman policier ici exploite également la culture polar florissante de Nice. De nombreux auteurs locaux, parmi eux Brigitte Rico, Bernard Deloupy, ou Jean Emelina, ont construit leur carrière en ancrant leur fiction policière dans des décors niçois. Frère Yves-Marie rejoint cette tradition mais apporte son œil de philosophe et sa compréhension théologique du symbole au genre. Pour lui, Nice est plus qu'un lieu, c'est un personnage à part entière.

La genèse de l'Apocalypse

Mais la question persiste : qu'est-ce qui a poussé un frère dominicain doux à écrire un thriller sanglant mettant en scène des cultes sataniques et des établissements libertins ?

Tout a commencé quand Yves-Marie a passé des mois à traduire le Livre de l'Apocalypse pour une édition richement illustrée publiée en 2024. L'Apocalypse : Le soulèvement de l'espérance présentait les visions de Jean de Patmos comme un cri de résistance contre le pouvoir oppressif, se concentrant sur le vrai sens du mot apocalypse, « révélation ». Yves-Marie Lequin décrit l'Apocalypse biblique comme « pleine de bruit et de fureur » avec des « visions presque hallucinatoires » qui ont continuellement inspiré « les mystiques, les artistes, les écrivains, les poètes » parce qu'en réalité elle cache un trésor : un message d'espoir et de résistance.

Mais que se passe-t-il quand on passe des mois à traduire les rêves fiévreux de Jean de Patmos sur les bêtes et le sang, sur les anges déchus et les jugements derniers ? Quelles visions émergent ? Quelles vérités exigent d'être racontées ? Du sang à Moulinet peut être la réponse de l'auteur à une question troublante : À quoi ressemblerait l'apocalypse si elle arrivait non pas comme événement cosmique mais comme poison lent s'infiltrant à travers les institutions auxquelles nous faisons confiance ? Et si la Bête ne s'annonçait pas avec des trompettes mais avec des lettres anonymes et des meurtres rituels dans des chapelles de montagne oubliées ?

Le narrateur du roman déclare explicitement : « Il y a des vérités qui pourrissent quand on les garde trop longtemps. Elles noircissent de l'intérieur. Et finissent par vous parler la nuit. » Cela pourrait être la confession de Lequin que son engagement avec les visions sombres de l'Apocalypse a donné forme à des vérités qu'il avait observées dans les ombres de Nice, des vérités qui exigeaient d'être racontées même enveloppées dans la gaze protectrice de la fiction.

Ce qui distingue Du sang à Moulinet, c'est la façon dont la formation philosophique de Lequin façonne l'approche de son protagoniste Jugger. Comme le détective explique sa méthodologie : « La criminologie moderne nous a appris à chercher la signature. Je cherche la fracture. Je cherche l'endroit où la mise en scène et l'inconscient du tueur entrent en collision. Le point de fracture. C'est là qu'on trouve la vérité. Ce que j'appelle : le moment d'oubli. » C'est du pur Lequin, le philosophe qui a passé des années à analyser comment l'art révèle la vérité à travers la représentation. Jugger n'analyse pas seulement les preuves. Il lit les scènes de crime comme des textes, cherchant le moment où l'inconscient de l'auteur perce à travers la conception consciente.

Le détective emploie également ce qu'il appelle « la mémoire du lieu », l'idée que chaque scène de crime « enregistre tout. Il suffit d'apprendre à lire les silences, les tensions, les ruptures. » Cette approche presque mystique fait écho à la philosophie artistique de Lequin selon laquelle le sens émerge non pas de la perfection mais de l'imperfection intentionnelle, la fissure par où la lumière entre.

Le roman refuse les catégories morales bien rangées. Les personnages occupent des zones grises. L'évêque est mondain et quelque peu vaniteux mais véritablement courageux. L'avocat Jean-Baptiste Sola vient d'une famille modeste d'ouvriers immigrés italiens, a construit un cabinet prospère, mais sent sa vie basculer quand il aperçoit quelque chose de plus grand et plus sombre qu'il ne l'imaginait. Même les victimes portent l'ambiguïté. Rien n'est simple. Tout le monde contient des multitudes.

La tradition dominicaine

Lequin s'inscrit dans une longue tradition dominicaine de penseurs qui refusent les réponses confortables. Les Dominicains ont toujours valorisé la rigueur intellectuelle et l'expression artistique. Fra Angelico, saint patron des artistes, était Dominicain. L'ordre a soutenu la création à la fois de la Chapelle Matisse à Vence et du Couvent de Sainte-Marie de la Tourette de Le Corbusier. Les Dominicains ont historiquement été prêts à affronter des vérités inconfortables. Thomas d'Aquin a révolutionné la théologie en incorporant la philosophie aristotélicienne. Bartolomé de las Casas s'est battu contre les abus des peuples indigènes dans les Amériques. Yves Congar a été censuré par Rome pour son ecclésiologie progressiste avant d'être justifié à Vatican II et fait cardinal.

Dans cette tradition, Lequin utilise la fiction de genre pour explorer des questions que les traités théologiques pourraient obscurcir : Comment le mal opère-t-il dans les institutions modernes ? Que se passe-t-il lorsque les espaces sacrés sont violés ? Comment distinguer la spiritualité authentique de la manipulation organisée ? Pourquoi certaines vérités n'émergent-elles que par la violence ?

Et ensuite ?

L'éditeur note que les lecteurs demandent déjà un deuxième volume. Le roman se termine avec le détective réalisant « peut-être était-il déjà trop tard », une conclusion guère rassurante. Yves-Marie Lequin envisage une suite, bien qu'il n'ait pas révélé quelle obscurité supplémentaire il prévoit de déterrer. Si le premier livre s'inspire de l'imagerie de l'Apocalypse sur la Bête et la Marque, le second plongera-t-il dans les Sept Sceaux ? La Prostituée de Babylone ? Ou exploitera-t-il d'autres textes bibliques ? Sa liste de publications comprend des travaux sur la Genèse, le Cantique des Cantiques, des méditations sur l'Enfer, le Purgatoire et le Paradis. Chacun pourrait fournir du matériel pour la fiction policière dans les bonnes mains.

Une réussite hybride

Du sang à Moulinet réussit parce qu'il refuse d'être simplement une chose. C'est une fiction de détective qui se lit comme de la philosophie. Un thriller policier imprégné de perspicacité théologique. Une lettre d'amour à Nice qui expose le côté obscur de la ville. L'horreur apocalyptique ancrée dans le réalisme bureaucratique.

Plus important encore, c'est l'œuvre de quelqu'un qui a passé des décennies à regarder le monde à travers de multiples lentilles – artistiques, philosophiques, théologiques, pastorales – et qui a développé la capacité de synthétiser ces perspectives en quelque chose de nouveau.

Lequin a dit un jour que sa peinture est « la façon pour un artiste de s'exprimer quand il ne peut pas le faire avec des mots ». Avec Du sang à Moulinet, il a trouvé un moyen d'exprimer avec des mots ce que peut-être même ses peintures ne pouvaient pas capturer : la vision de l'apocalypse non pas comme prophétie lointaine mais comme réalité présente, non pas comme jugement divin mais comme choix humain, non pas comme fin mais comme terrible commencement.

Pour les lecteurs cherchant du divertissement, le roman tient ses promesses. C'est un mystère haletant avec des personnages mémorables, de vraies surprises, et suffisamment de conspiration pour alimenter des discussions nocturnes, pas sans rappeler le Da Vinci Code de Dan Brown. Pour ceux qui sont prêts à s'engager avec ses courants plus profonds d'investigations philosophiques, de provocations théologiques et de sensibilité artistique, il offre quelque chose de plus rare : une fiction policière avec une âme et peut-être une conscience.

Dans une époque complexe où la pensée apocalyptique semble moins relever de la paranoïa que de la reconnaissance de schémas, Yves-Marie nous a donné une histoire qui honore à la fois l'obscurité que nous craignons et l'espoir dont nous avons besoin. Que cet espoir survive dans le deuxième volume promis reste à voir.

Ce qui est certain : ce frère dominicain s'est révélé non seulement un peintre de visions abstraites mais un cartographe des ombres, cartographiant le territoire où le sacré et le profane mènent leur guerre éternelle et sanglante.

Natja Igney pour Riviera buzz. Autre article : Le Père Yves-Marie Lequin – Not your Father’s Father. Traduction : 

Du sang à Moulinet par Yves-Marie Lequin est publié par Baie des Anges éditions (2025). Sa traduction de l'Apocalypse, L'Apocalypse : Le soulèvement de l'espérance, est disponible chez le même éditeur.

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